Le bonheur est fait de petites choses
Un jour, les vacances ont fait leur apparition dans nos vies pour nous permettre de décompresser. Mais tandis qu’on allait autrefois à Blankenberge pour ne plus bouger de la plage pendant trois semaines, on préfère désormais s’envoler à l’autre bout du monde. Car oui, chacun a sa bucket list. Et comment rayer des destinations de sa liste, sinon en vacances?
Du sang, du labeur, des larmes et de la sueur
Donc passer toutes ses journées dans un camping en France, en Italie ou en Espagne, non merci, ça ne nous dit plus rien. On préfère voyager trois semaines aux États-Unis pour barrer de notre liste Las Vegas, Los Angeles, San Francisco, la vallée de la Mort, le Grand Canyon, le parc national de Zion, de Yosemite et de Bryce Canyon. Sympa? Après dix jours, toute cette précipitation commence à vous coûter du sang, du labeur, des larmes et de la sueur.
Une obligation
Selon Jessica de Bloom, psychologue du travail et de l’organisation et auteur du livre De kunst van het vakantievieren (l’art de célébrer les vacances, en néerlandais), les gens trouvent leurs vacances réussies quand ils peuvent choisir eux-mêmes ce qu’ils font pendant leur temps libre. C’est cool, vous dites-vous, puisque cette bucket list, c’est justement quelque chose qui vous tient à cœur. Pas quelque chose que votre patron ou votre voisin vous incite à faire. Mais en êtes-vous bien sûr(e)? N’avez-vous pas été tellement influencé(e) par Facebook, Instagram et tous les récits de voyage d’amis et de proches que vous pensez que vous voulez tout voir, alors que cette liste s’est en fait transformée (inconsciemment probablement) en une obligation?
Mémorable
La question est de savoir si rayer des souhaits de notre bucket list nous rend vraiment heureux. Christopher Peterson, ancien professeur de l’université du Michigan et l’un des cent psychologues les plus cités du monde, avait sa propre opinion. D’un côté, il était en faveur des bucket lists. D’après lui, « une bucket list peut contribuer à rendre la vie mémorable ». Et il faut reconnaître ce qui est: qui préfère se souvenir d’une vie ennuyeuse que d’une vie mémorable?
Les crâneurs
D’un autre côté, le professeur de psychologie se montre sceptique. En effet, combien de projets figureraient encore sur votre bucket list si vous n’aviez pas de public à qui les raconter? Ce voyage à la pointe la plus froide de la terre apporterait-il vraiment une plus-value à votre vie? Ou l’ascension du volcan Rinjani? Tant qu’on y est… La collègue blogueuse de Christopher Peterson, la philosophe Jennifer Baker, est d’accord avec lui. Les gens aiment se vanter, conclut-elle. Selon elle, derrière une grande partie des souhaits rayés de la liste se cache l’idée consciente ou non qui suit: « Moi, j’ai fait du rappel dans les montagnes du Pérou et pas vous, pauvres malheureux. »
Pour vous-même
L’expert du bonheur Patrick Van Hees dit exactement la même chose, sans avoir lu cet article. Bien que des études ont démontré que le cerveau crée de la dopamine (un neurotransmetteur et notre propre drogue du bien-être) au moment précis où l’on raye quelque chose de notre liste d’actions, il exprime ses doutes quant au phénomène de la bucket list. « Je me demande si cela rend vraiment les gens heureux. Une bonne question qu’il faut se poser, c’est: feriez-vous les choses qui figurent sur votre bucket list si vous ne pouviez le partager avec d’autres personnes? En bref, les faites-vous vraiment pour vous, ou pour quelqu’un d’autre? Et pour cette belle photo que vous allez pouvoir mettre sur Instagram? »
Des moments uniques
Un même son de cloche, donc. Mais autant de têtes, autant d’avis. Selon le prix Nobel Daniel Kahneman, la création de moments uniques est importante pour être heureux en vacances. Patrick Van Hees confirme. Il explique que cette étude montre que les gens sont en moyenne plus heureux en ayant régulièrement des vacances courtes plutôt qu’un seul long voyage. Au cours d’un long voyage, il est plus probable de tomber à un moment donné dans la répétition (un jour de plus à la plage) que pendant un court et donc de créer moins de souvenirs uniques. Vous venez de jeter un œil à votre bucket list? On a aussi failli le faire. Mais la question est: que sont exactement des moments uniques? Parle-t-on de saut à l’élastique, de la découverte de nouvelles villes, d’une randonnée sur un parcours spécial ou peut-on aussi parler d’une boisson délicieuse servie le troisième jour des vacances? Ou du moment où on a mis ses pieds dans le sable pour la première fois?
C’est différent pour tout le monde
Selon Patrick Van Hees, ça dépend de chacun. « Les gens sont si différents. Certains aiment voyager en groupe, d’autres chacun de leur côté. Certains sont très heureux de passer une journée de vacances dans leur pays, tandis que d’autres ne le seront qu’en marchant jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle. Donc ce qu’une personne juge être un moment unique ne l’est pas pour quelqu’un d’autre. » Patrick Van Hees est persuadé que pour ressentir le sentiment de bonheur, il est surtout important de faire ce qui nous fait nous sentir bien. « Qu’est-ce qui vous correspond bien? Sur le plan physique, financier, mais aussi du temps et de l’intérêt? Ne passez pas toute la journée d’un musée à l’autre juste parce que votre compagnon de voyage en a envie! »
Retour à la case départ
Nous voilà revenus à la case départ. En tout cas auprès de Jessica de Bloom, qui conclut que les gens trouvent leurs vacances réussies quand ils peuvent choisir eux-mêmes ce qu’ils font pendant leur temps libre. Mais avant de vous précipiter sur votre bucket list pour la compléter (pas une mauvaise idée ce pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle), réfléchissez bien. Est-ce que c’est vraiment ce que vous voulez? Ou votre volonté est-elle guidée, peut-être inconsciemment, par le monde extérieur?
Nous aimerions vous aider en vous posant une question: qu’est-ce qui vous importe le plus en vacances? Car vous devriez écouter votre cœur au moment de choisir vos vacances. Comme ça, vous êtes bien à tous les coups!